Matin de neige
Il est curieux de constater à quel point ce mois de janvier 2021 donne l’impression de renouer avec les débuts de l’installation au Villard, de ces premières années aux hivers si follement enneigés. Neige, et reneige, et reneige encore. Hier soir les flocons tourbillonnaient dans la bise et la lueur du réverbère, et on se disait que le départ du lundi serait difficile ; à l’aube c’est de nouveau la cérémonie du déneigement, le fer de la pelle qui racle le sol verglacé, les allers et retours entre deux murs de neige, pendant que Rimski creuse des tunnels, se laisse glisser sur le ventre comme un blanchon ou un manchot, puis quand même lassé et glacé retourne faire le guet sur la terrasse. On roulera très lentement dans ce paysage féérique en rendant grâce à la neige, à l’hiver, au jeune samoyède qui a repeint en blanc notre Sibérie savoyarde (peut-être aurions-nous eu des tempêtes de sable saharien si nous avions adopté un Slughi ?), ainsi bien sûr qu’à la grive d’en face.
Dans le bois le blanc de la neige semble bleu. Plusieurs hulottes chantent et chuintent toutes ensemble (ce qui fait un fameux raffut), auxquelles le chien silencieux ne prête pas plus attention qu’aux traces fraîches de chevreuils, de cerfs, de renards et de blaireaux qui permettent de lire à livre ouvert les va-et-vient récents et d’ordinaire cachés des bêtes. On aperçoit au loin les gyrophares du chasse-neige et les lumières de la maison qui paraît minuscule. Ici, assis, enfoui dans la neige et la nuit, à l’abri, on peut encore assez facilement desserrer l’étau du temps, presque oublier les menaces du monde.