Vigie, août 2024

 

Courses d’été

 

 

À sept heures on part chercher un peu de fraîcheur sur le chemin clair des sources du Gelon. Rares nuages épars dans le ciel limpide. Le clocher qui sonne au loin, le rire prolongé du pic, l’odeur des pins et la pénombre du sous-bois côté du ravin incitent à la détente : celle de l’humain en vacances, celle du chevreuil qui le sent venir et détale (c’est une heure de grande activité pour les bêtes), et celle des chiens qui veulent le courser.

Détente. Abois. Trilles et rire. Ainsi on court sur le chemin sans obstacle. Rimski fait dans les hautes herbes un bond spectaculaire, non parce qu’il a vu quelque chose mais pour voir, justement, ce que sa quadrupédie en principe lui interdit de voir, et peut-être aussi (mais cela semble secondaire) parce qu’il a senti qu’il y avait quelque chose de particulièrement intéressant dans ces taillis.

De cette promenade les samoyèdes ne perdent pas une miette, ils n’ont pas un instant de distraction où ils repenseraient par exemple à leur enclos dans la vallée où la chaleur jusqu’au soir les accable, nulle considération non plus sur le fait que le paysage est beau, ils ne sont que pures sensations et mémoire du lieu — on approche en effet de l’endroit où ils avaient débusqué le faon, le mois dernier. Ils passent sans s’arrêter devant la musaraigne morte, ce sont les vivants qui les attirent. L’acuité de leur odorat relègue à l’arrière-plan tous les autres sens, ce qui met un flou parfois cocasse dans leurs repérages : cette famille chevreuil en balade, c’est moi qui d’abord la vois pendant que les chiens reniflent le sol à dix mètres de là…

Leur frénésie me pousse à enclencher de nouveau la course, ils n’attendaient que ça. Les reines des bois brillent à notre passage. Le décor se fait plus abstrait, plus intérieur.

01/08/24

 

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