Vigie, août 2024

 

« Derrière moi »

 

 

Sur le chemin des crêtes on revient sortir ses chiens, son humain, ses fauves en soi hors de soi, nez et museaux au vent, sens aux aguets. On marche en silence dans la forêt qui n’est silencieuse que pour les sourds, on monte en ahanant dans la montagne qui n’est dépeuplée que pour les aveugles. Les chiens qui me devancent accroissent mes forces en même temps que les leurs, qu’ils exercent en tractant ; puis, dans la pente glissante, je négocie une nouvelle instruction, « derrière moi », qu’ils comprennent et acceptent : échange de bons procédés, désormais je ne craindrai plus les descentes.

Ensemble on cherche les traces, celles bien visibles, perpendiculaires au sentier, laissées par le passage des laies et de leurs marcassins – une longue traînée sombre criblée d’empreintes ; celles, invisibles, mais terriblement odorantes, laissées par le cerf. Parfois je m’étonne et m’inquiète de cette auto-promotion qui fait de moi le meneur de la meute, et lance alors le mot qui rétablit la progression habituelle : « Allez ! »

15/08/24

 

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