Vigie, octobre 2024

 

Après la tempête

 

 

La tempête qui a traversé le pays a fait s’abattre cette nuit de telles quantités d’eau qu’il m’a semblé par moments être emporté en mer. Je m’attends au matin à trouver le chemin dévasté, il n’est que détrempé, jonché de feuilles et de châtaignes qu’une dame en rose est occupée à ramasser. Les vaches, tout de même, nous regardent avec l’air hagard de qui a pris la foudre, et le petit chemin qui va des Landaz à La Martinette semble le lit d’un torrent asséché depuis peu dont l’eau a raclé les cailloux en laissant des amas de feuilles en zigzags.

Plus bas le mugissement du Nant donne une idée de l’ampleur des précipitations. À la centrale l’eau marron déborde de tous côtés, contournant l’obstacle avec fracas. Jamais encore je n’ai vu la chute aussi violente, surtout en dehors de la période de fonte des neiges. Nouchka, cette fois, ne traversera pas à guet, mais empruntera la passerelle comme Rimski et moi-même. Les ruisselets qui rejoignent le Gelon en coupant le sentier sont eux-mêmes devenus des torrents dans lesquels on patauge. Plus loin, un sapin est tombé, dont la cime semble avoir littéralement explosé sur le chemin.

Soudain, comme aspirées par le courant, les longes jaunes se dévident à toute vitesse, et les chiens foncent vers l’arbre de la martre, toujours le même, dont je vois la silhouette passer sur une branche basse puis disparaître en hauteur. Les chiens se dressent sur leurs pattes arrière contre le tronc, comme pour grimper. Cela fait la troisième fois ces derniers jours que cette scène se répète, à croire que la martre nous guette – ou qu’elle a simplement fort à faire sur ce site où doit se trouver son gîte.

Je regarde un moment le torrent qui écume, comme enragé, puis m’arrache à la fascination du fracas.

10/10/24

 

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