Vigie, décembre 2024

 

« Rosée que ce monde… »

 

 

La première image de décembre, ce n’est pas au Villard de La Table que je vais la chercher mais au bord du Rhône, pont Wilson, à Lyon. Le jour se lève à peine, il fait froid et humide, et voici deux… trois… dix… trente grands cormorans qui émergent. Ils sont manifestement occupés à pêcher en bande, synchronisant leurs plongeons pour rabattre les poissons sur la berge où un grand héron gris en espère sans doute récupérer un des poissons dont on voit briller les corps argentés au bout des longs becs qui les happent.

Cela fait comme un rêve qui s’efface, car l’instant d’après je marche au-dessus de la gouille habituelle de ma vallée. Même avec le bec plein de glands, le geai criaille à tue-tête pour signaler notre présence. Une quinzaine d’étourneaux se perche bruyamment au sommet d’un épicéa puis repartent, nuée bien modeste en comparaison des rassemblements spectaculaires que l’on peut voir à Lyon.

Déjà la petite gelée de l’aube n’est plus qu’un souvenir, et l’on marche sur un sol souple, sous un ciel dégagé. Une buse assez petite traverse toute l’étendue du paysage en criant à intervalles réguliers, kiiiya, kiiiya, kiiiya, avant de se poser sur le grand châtaignier. Son cri semble encore résonner dans la combe à mesure qu’on remonte.

Il fait soudain si doux que l’idée même de décembre se dissout dans des sensations plus printanières qu’automnales.

Cette fois c’est le pic noir qui lance son cri en traversant le bois. Je sors les jumelles et scrute les grands arbres, la montagne – même le Grand Arc n’est plus que très partiellement enneigé.

Je m’allonge contre un chêne sur les feuilles à peine mouillées, acceptant de me laisser aller à la douceur effarante de vivre dans un monde où décembre ne semble plus, à ce jour et cette heure, que rosée.

02/12/24

 

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