Vigie, décembre 2024


Abeilles et noctuelle

 

 

Sitôt sorti on entend le crépitement de la pluie qui pourtant ne mouille pas encore mais dégoutte des arbres.

On passe devant l’alignement de la trentaine de ruches surmontées de pneus : le choix d’un tel matériau, dont les émanations doivent être bien toxiques, me laisse chaque fois perplexe. L’apiculture, même ici, même ainsi, n’est qu’une forme d’élevage comme les autres, interventionniste et violente, me dis-je par ailleurs. On remplace les abeilles sauvages par ces domestiques qu’on n’hésite pas à malmener pendant des transhumances dont j’ai pu voir naguère l’absurdité, lorsque des centaines d’abeilles étrangères au milieu se précipitent sur des alignements de lavande. Je me souviens aussi de mon malaise lorsque j’avais vu l’apiculteur écraser sous son talon la reine d’un an, déjà trop vieille, pour la remplacer par celle qui a été sélectionnée. J’ai lu tantôt que c’était une pratique parfaitement évitable, à condition de ne pas déplacer sans arrêt les ruches pour imposer aux abeilles plusieurs « printemps » artificiels.

La pluie cependant redouble, je suis parti au pire moment après un trop long temps de lecture. Défi dérisoire à la face du monde, sur les feuilles de chêne sombres et trempées qui jonchent le sol se tortille la petite chenille vert jaune presque fluorescente d’une noctuelle : ses heures, ses minutes, assurément sont comptées, sans que l’homme cette fois n’y soit pour rien !

07/12/24

 

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