Cerf et chevreuils en temps de chasse
L’hiver n’est plus qu’une série de débâcles, aussi marche-t-on encore dans un paysage ruisselant. Tout de même, la neige persiste en plaques dans les prés et la montagne reste bien blanche. Les cerfs sont passés par ici, dont les chiens hument les crottes. Très tôt ce matin, l’un d’entre eux se tenait arrêté juste devant le piège photographique quand je suis arrivé. J’ai rebroussé chemin pour ne pas le déranger davantage et je profite de la balade pour récupérer la carte et regarder les images. Une erreur de réglage a fait que je n’ai que des photographies fixes : je regarde les trois clichés du douze cors… Oh, j’ai conscience de jouer les voyeurs, mais tout de même, je suis un peu chez moi aussi, et je ne dérange personne !
Je repars et savoure les images en couleur que m’offrent mes deux yeux. Au-dessus de Repidon, les chiens de chasse hurlent comme des fous, et leurs cris effroyables résonnent dans toute la combe. Ont-ils été mis en présence de sangliers enfermés dans un enclos, comme cela se pratique dans ce chenil ? Entendant ces clameurs de trompeuse sauvagerie, de barbarie plutôt, je me sens sanglier, me vient l’envie de me cacher, de filer droit museau au sol jusqu’au bois.
Voici cependant, au même endroit exactement que la dernière fois, les deux petits chevreuils accompagnés d’une chevrette qui est sans doute leur mère. Ils ne bougent pas. Sans doute font-ils parfaitement la différence entre un bipède en orange accompagné de chiens de chasse et un bipède en vert accompagné de samoyèdes, malgré leur mauvaise vue. Ils nous regardent et nous les regardons ; puis, soudain, ils se volatilisent. Ils ne sont pas partis, je le sais ! Je les cherche aux jumelles et finis par retrouver l’un des petits roulé en boule parmi les taillis d’où seules ses grandes oreilles dépassent… Je ne m’attarde pas davantage.
Le paysage ici est objectivement grandiose, l’énorme masse blanche de Belledonne contrastant admirablement avec les prés verts ensoleillés et la combe prise dans l’ombre bleu gris, mais je ne garde en tête que les hurlements des chiens et l’image du jeune chevreuil caché.
11/12/24