Le retour des blaireaux
Hier j’ai marché sous la pluie, la première depuis trois semaines. Ce n’était pas un orage violent qui détruit, pas l’explosion qu’on redoutait après tant de jours de surchauffe, mais d’abord un crachin grésillant-crépitant très doux, qui m’a fait me précipiter à la fenêtre avant de dégringoler les étages pour harnacher les chiens et partir au plus vite saluer comme il convenait l’averse tant attendue.
On a marché longtemps avec les chiens, ragaillardis eux aussi, en nous émerveillant des parfums retrouvés du pétrichor, des airelles sucrées, des feuilles rendues à la vie, des flaques reformées. La première limace orange, je l’aurais presque embrassée… Naturellement, je n’ai cessé de penser à eux, aux blaireaux, et je crois même pouvoir dire que cette averse, c’est d’abord de leur point de vue que je l’ai ressentie. Les lombrics vont sortir ! me suis-je écrié…
Cela, c’était hier. Aujourd’hui, traversant à grands pas sous le ciel nuageux le champ encore humide, je marche vers le terrier avec un espoir : et s’ils étaient revenus ? Je fais des détours, je fais durer la promenade et le temps de l’espérance car au fond, cela me semble un peu prématuré, je ne suis pas certain qu’une seule averse ait pu suffire à les rappeler au terrier natal, ni que le coût d’un nouveau déménagement n’excède pas de beaucoup les gains éventuels. J’en suis venu à me dire que le terrier resterait inoccupé tout l’été.
Après avoir épuisé les possibilités raisonnables de détours, j’arrive tout de même au terrier. Je m’approche. Un simple coup d’œil suffit à me renseigner, même si le relevé des cartes va rapidement me confirmer ce que je vois : chenilles jaunes des fleurs de châtaigniers entassées à l’entrée, latrines vides, les blaireaux ne sont pas revenus.
J’avais écrit le titre du chapitre avant de partir, histoire de tenter d’infléchir le cours du récit (les auteurs de fiction ont bien de la chance) ; je le laisse, il est bon de ménager des fausses pistes.
07/07/25
