Vigie, septembre 2012

 

 

 

UNE GRANDE PAIX

 

 

Il règne cependant dans la maison une grande paix, un grand silence à peine bourdonnant de guêpes agonisantes, de vent ténu, de cris lointains d’enfants écorchés par le verre ou soufflés par les bombes. Il règne dans la chambre de mon enfant une grande paix.

Mon enfant dort. La maison dort. Dans la maison des voisins l’ami de mon enfant dort près de la lampe, qu’un geste a renversé. L’ami de mon enfant dort sur le matelas qui doucement, comme creusé par une pensée ou par un rêve ou par un cauchemar de guerre ou de pays dévasté, se consume et brûle. La fumée a envahi la pièce et l’enfant dort. 

L’enfant dormait. Il s’en est fallu de si peu, si peu, me dit sa mère en tremblant. 

J’écris maintenant  dans la grande paix trompeuse de la maison, de la montagne, non pour faire trembler la paix ou la plume mais pour entendre ce qui, au cœur de la paix, bourdonne, agonise, tremble, palpite, s’endort, s’éveille, pour entendre miraculeuse et vaste, et pleine et belle, non obstruée, non affadie, la vie. 

 

21 septembre 2012 

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