Vigie, septembre 2012

 

 

 

 

DERRIÈRE LES LIGNES (personne)

 

 

Charognard obstiné tu guettes encore

la fin de l’été

tu es monté ici pour voir derrière les crêtes

si tu y étais

pour jouer une fois de plus les équilibristes

et voir la maison la vallée de très haut

et prendre de l’avance 

sur la marche des saisons.

 

Tu poses une ultime pierre

sur le cairn de l’été

tu scrutes les lueurs déjà pâlissantes

au ventre sombre de la montagne

charognard obstiné c’est ainsi que tu 

scrutes encore

 

derrière les lignes de l’été

les fastes de l’automne

 

derrière les lignes des crêtes

d’autres crêtes

 

derrière les lignes des avions

des rêves de voyage

 

derrière les lignes de ton front

un refus 

 

derrière les lignes de ta main

l’incertitude 

 

derrière les lignes de la guerre

des tunnels pour passer quand même

et faire entendre depuis l’arrière

et pour personne

(quelques marmottes

quelques amis inconnus peut-être mais

on n’y croit plus guère)

la possibilité d’un chant de paix

 

derrière les lignes pixélisées 

du virtuel

le tracé très net du réel

 

derrière les lignes du tableau

la toile blanche

 

derrière les lignes du carnet

la forêt blanche de la vie

 

derrière les lignes des hauts murs

l’espace

 

derrière les lignes

l’espace

 

derrière les lignes

l’espace 

 

derrière les lignes

l’espace

 

Jeune oiseau millénaire tu tiens entre tes ailes

le fil tendu de l’espace

tu danses entre deux crêtes

oscilles

entre deux saisons deux versants deux vertiges

gypaète briseur d’os

en bonne voie d’extinction

qu’on retrouvera demain silhouette grotesque

déglinguée, carbonisée 

entre les lignes des fils à haute tension.

 

À présent les lignes se brouillent

rides de marée 

effacées

par la marée noire.

 

Ces lignes

écrites par personne

pour personne

s’effacent

portées invisibles pour notes de silence.

 

Derrière les lignes 

personne.

 

Derrière les lignes 

personne.

 

Derrière les lignes 

personne.

 

 

12 septembre 2012

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