DERRIÈRE LES LIGNES (personne)
Charognard obstiné tu guettes encore
la fin de l’été
tu es monté ici pour voir derrière les crêtes
si tu y étais
pour jouer une fois de plus les équilibristes
et voir la maison la vallée de très haut
et prendre de l’avance
sur la marche des saisons.
Tu poses une ultime pierre
sur le cairn de l’été
tu scrutes les lueurs déjà pâlissantes
au ventre sombre de la montagne
charognard obstiné c’est ainsi que tu
scrutes encore
derrière les lignes de l’été
les fastes de l’automne
derrière les lignes des crêtes
d’autres crêtes
derrière les lignes des avions
des rêves de voyage
derrière les lignes de ton front
un refus
derrière les lignes de ta main
l’incertitude
derrière les lignes de la guerre
des tunnels pour passer quand même
et faire entendre depuis l’arrière
et pour personne
(quelques marmottes
quelques amis inconnus peut-être mais
on n’y croit plus guère)
la possibilité d’un chant de paix
derrière les lignes pixélisées
du virtuel
le tracé très net du réel
derrière les lignes du tableau
la toile blanche
derrière les lignes du carnet
la forêt blanche de la vie
derrière les lignes des hauts murs
l’espace
derrière les lignes
l’espace
derrière les lignes
l’espace
derrière les lignes
l’espace
Jeune oiseau millénaire tu tiens entre tes ailes
le fil tendu de l’espace
tu danses entre deux crêtes
oscilles
entre deux saisons deux versants deux vertiges
gypaète briseur d’os
en bonne voie d’extinction
qu’on retrouvera demain silhouette grotesque
déglinguée, carbonisée
entre les lignes des fils à haute tension.
À présent les lignes se brouillent
rides de marée
effacées
par la marée noire.
Ces lignes
écrites par personne
pour personne
s’effacent
portées invisibles pour notes de silence.
Derrière les lignes
personne.
Derrière les lignes
personne.
Derrière les lignes
personne.
12 septembre 2012