Octobre à Barcelone

PARC GÜELL

 guell

À peine remis du concert de flamenco (une musique bruyante, violente, exécutée sans nuance et sans grâce – taper du talon sur une scène équipée de micros devrait être passible d’amendes − devant un parterre de touristes probablement sourds), on visite avec soulagement La Pedreda, un immeuble évidemment très minéral conçu par Gaudi : fonctionnel, élégant, intelligent, ancré dans le lieu, et porté par une observation fine des formes naturelles.

Le Parc Güell où nous flânons à présent évoque simultanément les buttes Chaumont et Funchal. La journée s’étire dans les criailleries de perruches et le tournis des balançoires. Une petite fille tombe de l’une des balançoires, une toute petite chute encore plus petite qu’elle. Elle regarde ses parents puis se met à pleurer à grands cris et grosses larmes. On la console, on l’entoure, elle ne pleure déjà plus que par principe, pour protester contre ce qui peut rester de cruauté et d’imprévisibilité poussiéreuse en ce monde pourtant tellement sécurisé…

Parce que le soleil décline déjà et qu’il fait un peu plus frais à l’ombre des acacias, on sort en faisant mine de frissonner des châles et des pulls. Tout sent la fin de journée, comme les cabrioles des grands laissent poindre la fin de l’enfance. Des pigeons traversent le ciel blanc en faisant claquer leurs ailes. Une mère tout en bleu sous les grands arbres verts fait tourner son bébé pendant qu’une grande demoiselle vole de toutes ses forces jusqu’aux branches de l’acacia (la balançoire tremble). Un adolescent au visage tout lisse insiste pour que son père, qui a photographié sa mère, le prenne lui aussi en photo, tandis que sur le banc d’en face trois frères − deux grands et un plus petit – bavardent, se houspillent, fraternellement cheminent.
Dans le sable couleur fauve du parc, l’enfant reproduit, avec des brindilles un palais de Gaudi

Toute une troupe de gamins déboule et crie en catalan avec une frénésie de perruches, jusqu’à ce qu’une dame les rappelle à l’ordre du goûter.

Assis sur les bancs de plus en plus sombres, quelques adultes continuent à guetter la menace, l’accident, la progression des ombres. C’est la sortie de l’école et tous les écoliers se rassemblent ici, accompagnés par leurs nourrice, grand-père, grand-mère, grand frère… Tout l’espace s’emplit de clameurs catalanes.

 

22 octobre 2014

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