LA ROUTE GIGOGNE
Dans l’habitacle du crâne
quelle panique quelle pagaille
d’idées en vrac de bribes de pensées
informulées informulables
de désirs de fatigues de feuilles froissées
de souvenirs de saisons emmêlées
de neurones et d’images.
Dans l’habitacle du corps
ça circule sans affolement
(pour l’instant)
le cœur pulse, fait tourner la machine
(pour l’instant)
aucun encombrement dans les artères
ça passe, ça bat sur un bon rythme rassurant
les ligaments les tendons tiennent bon
les os ne grincent qu’à peine ici ou là
ça palpite ça frissonne ça vit.
Dans l’habitacle de la voiture
c’est un peu le bazar aussi il faut dire
affaires jetées prospectus cailloux bâtons
on dirait une chambre d’enfant mal rangée
il y a de la poussière plein le tableau de bord
la pédale grince le plastique craque
la rouille menace et l’aiguille de l’essence
est dans le rouge. Seul le pare-brise est net.
Dans l’habitacle de la planète
sous les frondaisons claires des hêtres
en marge du monde chaotique
file ma familière, ma protégée
ma protectrice, ma bienveillante
route rousse
au long de laquelle je jette
ces regards ces appels ces mots
qui s’envolent aussitôt
vers le plus vaste espace de l’ultime habitacle.
3 novembre 2015