LE GRIS
Dans ce paysage sans couleur
autre qu’ici ou là le feu atténué
d’un panneau ou d’un phare
je me détourne du noir
j’ai peu à dire du blanc
et leur préfère indubitablement
le gris
le gris
toutes ces gammes du gris
de l’asphalte où se reflète
le ciel plombé du ciel
le gris clair du béton frais
le gris sombre du vieux mur
le gris cendre des fumées
ou celui soyeux des ailes du héron
qui passe pesamment
le gris naguère étincelant
de la citerne de la ferme
pour le transport du lait
(les vaches, elles, sont descendues)
le gris métallisé de la voiture en face
le gris opaque qui masque la montagne
le gris sale de la neige écrasée
le gris bleu de la rambarde
qui sécurise ma route
le gris de l’église
le gris de la croix
le gris de la tombe
et puis surtout le gris banquise
le gris glacier
riche d’hiver et de voyages
que la lumière comme une étrave entrouvre
par delà les crêtes.
26 novembre 2015