LA ROUTE EN AVEUGLE
Mieux que novembre, mieux que la brume
mieux que la fatigue et la nuit
plus redoutable que l’indifférence
plus opaque que le givre sur la vitre
ou le désir de tuer du chasseur
la colère voile la route
que je descends en aveugle
les yeux fixés sur l’entonnoir
où les idées rances tournent en rond. Pourtant
voici que la parole se relève
prosaïque pesante terre à terre
et s’élève quand même : voici que je vois
à nouveau grâce à elle
ce rayon doux qui frappe les Bauges
ce geai qui passe emportant une noix
cette fumée du côté de Beauvoir
le flambeau des saules qui se rallume
à mesure que les bouleaux ternissent − il suffit
d’un moment de silence pour que
le voile se reforme
pour qu’à nouveau me happe
le siphon noir du ressassement, parler
parler alors c’est pour sortir
parler c’est pour apprivoiser
le feu de la colère
et s’en servir pour éclairer la route
forces vives jaune vif
les chrysanthèmes sur les tombes rutilent
roule encore parle encore
écrire, c’est pour rouvrir.
4 novembre 2015