Vigie, mars 2008

 

 

LAMPES ALLUMÉES

 

Tout au long de cette journée pluvieuse, brumeuse, agitée, les grands nuages n’ont cessé de défiler le long des collines de l’ouest. Maintenant la nuit est tombée et il ne pleut plus. Les premiers insectes de mars volent autour du réverbère qui éclaire de sa lumière crue les combles ouvertes de la grange voisine. Grand silence. Pas même une chouette qui chante. Juste ces quelques insectes qui tournent en rond, ou parfois une goutte qui tombe du toit.

C’est peu dire qu’on est bien, ici. On se love dans la douceur de ce refuge si longtemps rêvé. On se sent hors du monde et de ses menaces, et presque hors du temps. Je ne connais rien de plus plaisant que d’être assis là face au village silencieux, à veiller dans la nuit trempée en compagnie des chats, de la chienne, des insectes et du réverbère. Celui-ci non plus d’ailleurs n’est pas seul, car un autre s’est allumé plus loin, là-bas sur la droite. La nuit est pleine de lampes allumées.

Aujourd’hui encore les bouvreuils (dont le rouge si vif les fait ressembler à des feux ou à des fruits) sont venus se poser dans les pruniers près de la maison : ils viennent se nourrir des premiers bourgeons. Hier c’était un grosbec. Des canards traversent le ciel : mars marque le retour de cette première époque du printemps pluvieux des haïkus. Il me tarde de voir le premier rougequeue, et puis les premières hirondelles. C’est grâce à cette certitude du retour des oiseaux migrateurs que le temps pour un temps inquiète moins, que le silence et même mon reflet dans la vitre paraissent bienfaisants. Vivre ici est un don ; il n’est plus qu’à s’incliner, à rendre grâce à la beauté et à la bonté de ce lieu qui accueille sans réserve le voyageur de retour du « pays sans nom ». 

Merci la nuit, merci la vie, merci le réverbère, l’insecte, le chant, merci le silence, merci pour ces jours heureux…

 

12 mars 2008

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