Vigie, juillet 2015

QUI CRIE ?

C’est tard la nuit. Assis sur un tabouret dans un bar avec quatre ou cinq comparses accordéonistes, je joue « Don’t worry be happy » au hautbois. Parfois je me trompe, mais je suis tout de même très fier de savoir jouer du hautbois – tout en trouvant le son de mon instrument décevant, car ce hautbois sonne comme une flûte à bec…

Soudain je me mets à crier. Je crie parce qu’on ne m’entend pas, ne me comprend pas, ne m’écoute pas. Je crie et je commence à briser méthodiquement, et dans l’indifférence générale, tous les objets qui me passent par la main, des verres, des assiettes, et tous les pots Denbac collectionnés des années durant par mon père et qui encombrent quelque peu la maison des Vellats vendue depuis hier… Je suppose que le hautbois y passe également. Je ne sais plus si c’est la violence du rêve ou les miaulements de la chatte qui finalement me réveillent.

Quatre heures. La chatte Onça se serre contre moi en miaulant. Elle se remet d’un moment pire qu’un cauchemar : tout un long jour bloquée sur le toit de la maison, parce que j’avais refermé dans la nuit la fenêtre de toit sans savoir qu’elle y était montée et que, même après que je l’ai rouverte, les tôles devenues brûlantes l’empêchaient de me rejoindre. Il a fallu attendre le soir pour qu’elle puisse redescendre, et depuis elle ronronne, elle miaule et se frotte à mes pieds, éperdue d’une reconnaissance que je ne mérite guère.

Cinq heures : les premiers chants, les premières lueurs d’une aube déjà trop tiède. Pas un nuage dans le ciel vide.

4 juillet 2015

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