Vigie, juillet 2015

LE BAL DES TÊTES

Ce rêve comme un uppercut reçu en pleine face me réveille à quatre heures. Je suis assis dans une salle de restaurant presque vide, quand entrent un à un, comme sur une scène de théâtre, Françoise A., Alex et Marie-No, mon père puis ma mère. Je reste stupéfait car tous sont tels qu’ils étaient autrefois – disons, il y vingt ans. Je regarde Françoise avec un air probablement assez ahuri car elle me demande en se moquant un peu ce qui m’arrive. Je regarde ma mère. Je fais de grands efforts pour dissimuler mes larmes. Je les embrasse tous, et ma mère en dernier. Je m’exclame finalement : « Ce n’est pas du tout le bal des têtes. Comment avez-vous fait pour ne pas changer à ce point ? Je ne dis pas cela pour être gentil, c’est une vraie question ! » L’idée du rêve ne m’effleure pas, non plus que le rapprochement pourtant si évident avec Quartier lointain.

Soudain je constate qu’Agnès et Valérie sont également là, et je m’exclame avec emphase que mon bonheur est complet. Je les questionne à propos du dernier livre qui devait être terminé le week-end dernier sans faute. Puis je m’éveille, un peu sonné. J’ouvre en grand la fenêtre de toit et regarde un moment, dans la nuit encore profonde, le réverbère allumé.

2 juillet 2015

NB. Le « bal des têtes » fait référence au bal auquel la narrateur de La Recherche du temps perdu assiste, dans le dernier volume du Temps retrouvé, bal pendant lequel il retrouve les protagonistes de son ancienne vie mondaine terriblement vieillis; le choc, amplifié par la découverte du possible accès au « passé vivant » qu’offre la mémoire involontaire, décide de sa vocation d’écrivain.

 

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