Vigie, novembre 2010

 

TRISTESSE

 

Me voici seul dans la maison cernée par la neige : une couche épaisse de poudreuse parfaite sur laquelle Léo a pu faire ses premières glissades de l’hiver.

À main gauche le jardin blanc qu’illumine le soleil déclinant.

Derrière moi la cheminée et les deux chats.

À main droite, le bol japonais, le thé matcha et la théière verte.

Devant moi la grande table du séjour recouverte de livres, la chaise vide de Clément, et ce très beau tableau : la mangeoire aux cent mésanges (ramassé tout à l’heure le corps glacé de l’une d’entre elles), les toits blancs, les crêtes nues, le ciel d’un bleu très pâle où s’étirent déjà quelques nuages orangés.

Et puis le ronron du frigo et du chat, le tic-tac de l’horloge, le craquement d’une bûche.

C’est tout.

Le travail peut commencer.

Vigilance.

Attention.

Silence sans distraction.

Tension continue.

Solitude voulue.

Discipline et présence.

Confusion.

Compréhension.

Que les idées dansent comme des mésanges sur un fil invisible.

Que l’on s’enfonce dans l’hiver en cette solitude souhaitée.

Que l’on savoure et que l’on souffre en toute quiétude, attentif, vigilant et ouvert.

Allons-y.

Ce n’est pas la nuit tombée qui rend triste. Ce n’est pas la solitude de cette nuit froide, l’assiette posée sur un coin de la table ni le silence, qui font saigner le cœur – mais juste, à l’improviste, le son de ce ballon à grelots heurté du pied, le son de ce ballon offert à Léo pour son premier anniversaire : voilà qui suffit pour faire émerger une tristesse inguérissable.

26 novembre 2010

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

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