Vigie, décembre 2011

 

 

 

LE PEU QUI RESTE

 

 Vigiedécembre2011lepeuquireste

 

La roue tourne en grinçant, à laquelle on ne prête pas attention.

Le ciel blanc, opaque, ne voile ni soleil ni lune.

L’hiver s’installe sans que rien ne change.

La pluie se fige. Pas un flocon.

La chienne tourne dans son panier.

On se recroqueville dans sa fatigue, ses souvenirs, ses draps de fantôme, ses rêves. On fait offrande à l’hiver d’une poignée de secondes détrempées et de quelques lumières. Ce matin tout était plus flamboyant sur la scène ; en coulisses, le froid, l’attente, un reflet pâle.

Lire ou écrire, une manière comme une autre de détourner le regard ?

Lire, peut-être ; écrire, je ne crois plus.

Regarde honnêtement comme cela creuse dans les creux, noircit les ombres, détrempe un peu plus le jardin sous la pluie, et se refuse à mettre de l’huile dans la mécanique. Cela rassure si peu, cela ne peut tellement plus se rattacher au moindre projet, que tu ne prends la plume que lorsqu’il n’y a plus aucune échappatoire et ce n’est pas pour t’échapper, pour te « distraire »; juste pour regarder creuser, pour écouter grincer, laisser passer, passer, filer, laisser…

 

*

 

Pendant ce temps aux quatre coins du monde et dans les dix directions, chacun poursuit sa trajectoire sans surprise.

Au fil des ans ce visage perdu n’a pas tant changé, et les attitudes de l’adolescent un peu timide qu’il était sont restées. Le voici devenu prédicateur douteux. L’accent chante, le phrasé a gagné en assurance. Ni familier, ni étranger, mais lointain, distant, boudeur, mutique, insaisissable à jamais.

Le peu qui reste…

On devrait éprouver quelque chose mais tout cela est tellement dépourvu d’imprévu. On pourrait aussi bien se croiser au coin d’une rue : ce serait sans étonnement, sans paroles, sans effusion. Figé. Passé. Mort.

(Quelques années plus tard on me demandera si j’ai gardé contact. À quoi bon ? Si l’émotion un jour me revient au détour d’un discours, c’est peut-être parce qu’il y a une confusion entre les deuils, un simple malentendu.)

Dans la cheminée éteinte la poussière noire d’un souvenir qu’aucun souffle ne ravive ! Pas même une urne, et pas de cendres à disperser.

Quand même : qu’il soit heureux, qu’il aille bien, qu’il vive vieux ; et puis surtout qu’il neige !

 

13 décembre 2011

 

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