Vigie, septembre 2023

 

Normal ou pas

 

 

On s’enfonce dans l’air humide à nouveau odorant et enfin automnal, à la rencontre du torrent qui de nouveau donne de la voix, ne mugit quand même pas (l’averse n’a pas été si longue) mais qui chante. Est-ce qu’à présent tous les champignons qui patientaient vont sortir ? Est-ce que c’est aujourd’hui que je vais voir une salamandre en vadrouille sur le sentier ? Pour l’instant, ce qui surtout me retient est l’image de ces coprins qui poussent en bouquet parmi les orties, touchants de fragilité (car dès demain ils seront défaits, on voit déjà l’encre noire qui bave au bord des chapeaux blancs).

Flic floc de l’eau sous les bottes, reflet ranimé des ornières. À mesure qu’on avance on croit sentir le soulagement de la forêt, des plantes et des arbres qui peuvent à nouveau boire, et du sentier qui semble revivre. Pendant que par milliers les gens et les bêtes souffrent en Ukraine, au Maroc à cause du séisme, en Libye à cause de la grande tempête qui a noyé la ville de Derna, je me réjouis du temps qu’il fait et m’inquiète pour des choses minuscules : le coussinet de la patte arrière droite de Rimski légèrement infectée, la page du livre consacré à l’identification naturaliste à laquelle je travaillais juste avant de sortir.

On n’entend aujourd’hui aucun coup de fusil.

Quelque part une voix dit que ce n’est pas normal, mais je ne sais pas ce qui n’est pas normal.

11/09/23

 

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