Vigie, avril 2013

 

MANIÈRE DE DIRE NON

 

Ce soleil insolent provoque le dégoût. Un nœud de refus se renoue. Une sorte de « non » comme un poing levé face à l’indifférence du ciel.

Aujourd’hui les nouvelles sont mauvaises. De nouvelles tumeurs au foie, dont on s’empresse de préciser qu’elles sont petites. Les marqueurs qui remontent. De nouveau la chimio, avec un médicament nouveau. La fatigue. Le crâne qu’on cache. Les pieds, les mains, la bouche brûlés. Ou pire. Et l’été s’en fiche, que ça ne gêne pas d’étaler la crasse de ses couleurs, le linge sale de sa lumière, dans toute la vallée.

On est pris par la peur. Pris dans l’étau de la peur, entre le marteau de la maladie et l’enclume de la peur qu’on éprouve aussi pour les enfants. De nouveau on peine à dire « oui » à l’Ogre. On se brise. On baisse la tête. On murmure encore non…

Dans le reflet de la glace je vois le visage de ma mère accroché au mien, et mes joues qui se creusent. Je me perds de vue : c’est elle que je vois.

À chaque nouvelle étape de cette lente dégringolade qui n’est pas celle, plus douce et plus futile, du stylo sur la page mais de la maladie, c’est la même ombre qui s’abat et la même sensation de manquer d’air. On ne s’habitue pas tellement, je crois, même si le choc n’a pas la violence de la première fois (de cette première fois à laquelle me renvoie le stylo même — désormais fêlé — avec lequel j’écris ces lignes). On entre dans un nouveau tunnel. Le pire, ou un des pires. Pas certain qu’on en sorte vraiment, ou vraiment indemne, de ce tunnel-là.

17 avril 2013

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