Vigie, avril 2013

 

TENTATIVE DE DÉPLOIEMENT

 

L’oiseau sur le toit
ne retient pas son chant
dont le rythme lui vient
tout naturellement
l’oiseau sur le toit
célèbre le printemps
tout naturellement.

Les saules marsault
laissent aller leurs chatons
orfèvreries d’un vert
très pâle. Les arbres
ne retiennent leur sève
à l’appel du printemps
ils chantent.

Le vieux torrent
redevient torrent jeune
gros des eaux de l’hiver
roulant dans la lumière
le jeune torrent
ne retient pas son flux
il chante.

Relâchement
déploiement
espacement
la clarté se répand
depuis le dôme blanc des crêtes
jusqu’au fond des vallées
les mousses s’épanouissent
les fleurs se déplient
et se déplient et se défroissent aussi
les ailes des papillons
traqués par les oiseaux.

Et l’homme se surprend à désirer
chanter et même à
chanter, repris d’une frénésie
de vie, d’une envie de travaux
comme le castor après la débâcle
devant le barrage enfoncé.

Indifférent au miracle
d’être dans le printemps de ses quinze ans
indifférent au soleil qui émerge à l’instant
et ravive le jaune des haies de forsythias
l’adolescent courbe la tête
sur l’écran de son portable
sur lequel il pianote mornement
quelque sibyllin message ;
il peut toujours tourner le dos et se
courber, il n’échappe nullement au
déploiement du printemps.

L’oiseau et l’arbre et le torrent
après tout eux aussi
ignorent le printemps ignorent
à quel point
sa force
son reflux les traverse malgré eux
ils n’ont pas le désir du printemps
ils sont le printemps
et peut-être cet homme qui marche
le long des troncs coupés
qu’il débitera patiemment à la tronçonneuse
le jour durant
peut-être cet homme aussi est-il
sans désir
et juste traversé
par le travail du printemps.

Traversé
emporté
déployé
dégagé.

Tentative
de déploiement
de traversée
on tente ici de
se laisser
traverser.

15 avril 2013

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