LES CHAUVES-SOURIS
Pendant que chacun s’affaire à l’intérieur des maisons, la pleine lune d’octobre disparaît doucement à l’horizon noir, et semble poser sur notre hâte un regard narquois.
Cette pleine lune, on aurait bien aimé la célébrer autrement que par un regard en coin. S’installer pourquoi pas à la terrasse et hululer un peu… On remet cela à demain, à une autre nuit, au prochain automne…
Pour les chauves-souris, c’est la grosse ampoule blanche du réverbère là-devant la maison qui est une lune affolante. Parler d’ « affolement » à propos du vol des chauves-souris est cependant un abus de langage, car leur vol, pour zigzagant qu’il soit, n’a en réalité rien d’affolé. Les deux chauves-souris de la maison (il n’y en a jamais plus de deux à la fois et elles sont devenues familières) ratissent l’espace autour du réverbère avec méthode et régularité. À chaque passage elles emportent leur lot d’insectes, dont les plus gros forment autour de la lumière un second halo.
Si je fixe leur va-et-vient à l’aide de l’appareil photographique, j’obtiens des effets assez effrayants : des spectres verdâtres, des ombres dépliées, des chenilles fluorescentes qui traversent en guirlandes funèbres la nuit. Ce ne sont pourtant que des chauves-souris en chasse, occupées à se nourrir, à danser méthodiquement autour du réverbère. Il n’y a là ni célébration, ni désolation, ni aucun sentiment humain, mais simplement l’expression anonyme d’une sorte de vitalité visible dans le vol des chauves-souris comme dans celui, pas vraiment affolé lui non plus, des insectes qu’elles attrapent ou qui par hasard leur échappent.
Resté ce soir longtemps à regarder cela.
9 octobre 2014