LA TEMPÊTE
Toute la nuit le vent mugit et j’écris à nouveau : j’ai retrouvé le Mont-Blanc, qui était tombé dans l’herbe hier après-midi (il aura passé la nuit dehors et l’écriture peut-être en sera aérée ?).
Qui donc se balance
tout seul dans le hamac ?
Le vent, rien que le vent.
La porte du bureau
timidement s’entrouvre −
n’entre qu’un courant d’air.
On part marcher dans le jardin
pour humer le vent tiède
ah ! ce vent…
Nuit de tempête. Plus de téléphone, l’électricité ne tient pas et le vent mugit. On se sent assiégé. Je laisse la fenêtre du bureau ouverte pour entendre davantage encore la tempête. La porte tremble, les tentures sont parcourues d’un frisson pareil à celui des hautes herbes dans un champ.
Une bourrasque dans l’air chaud.
Narines en feu, on étouffe.
Le carillon entravé fait un bruit de haubans.
Je continue le texte — Beauvoir, l’installation au Villard, le présent qui se rapproche, ces carnets du retour qui devraient faire l’objet d’un autre livre mais que je tente, bon an mal an, d’intégrer à L’éloignement au risque d’en brouiller la trame la plus apparente (le séjour en Guyane) parce que le temps m’est compté, parce que seules comptent l’urgence du présent et l’urgence d’écrire, et parce que la question sous-terraine du rapport au temps et à l’écriture importe au fond bien plus que le motif guyanais, et que cette « question » n’a reçu de « réponses » vraiment neuves qu’avec le retour, retour à l’écriture.
Plus de lumière — et la lumière revient — plus de lumière, un vacarme effrayant — je poursuis avec une lampe de poche — plus de lumière…
Je repense à ma dernière inspection, lorsque je m’étais rendu dans la maison de Rémire-Montjoly pour que C. m’aide à préparer mon cours, tant j’étais désemparé. Mercredi ce fut à moi d’aider Céline, et je serai inspecté lundi prochain ; un repère dans le cours des cours et de la vie.
La lumière ne revient plus. Je continuerai à écrire à l’aide du portable, grâce à la batterie.
Le vent mugit. La tempête : effrayante, fascinante.
28 avril 2012