Vigie, juin 2010

 

 

 

LA MENACE

  

Mélopée du silence et des chants tibétains. Installé à la fenêtre du bureau-temple d’en haut, Clément a longuement contemplé ces drapeaux de prière colorés qui le fascinent tant, avant de s’endormir, les deux poings bien serrées. À l’horizon de gros nuages noirs défilent lentement, qui font comme une menace au-dessus des maisons. Il fait encore froid (guère plus de seize degrés à l’intérieur ce matin), la pluie continue de tomber. Je regarde ce monde flottant avec incrédulité. Comment puis-je être en vie, ici, maintenant, sous cette forme ? Par quel hasard, quelle chance, quel miracle ? Le temps d’un instant je me survole, je me glisse dans la peau des autres, dans celle du chat même ou de l’oiseau à la fenêtre, puis reviens dans ma propre et éphémère enveloppe charnelle.

Je voudrais être ce bébé bercé par la mélopée du silence et des chants tibétains.

Et puis, toujours, continûment, le rappel de cette menace, jusque dans les nuages ou les rêves. Je m’éveille : j’aurais voulu que ce ne soit qu’un rêve, et c’est pourtant toujours bien réel  − donc illusoire ? 

Il n’empêche. Cette « super-illusion » là, on n’en finit pas d’en goûter l’amertume. (Ce sera pire après.)

 

2 juin 2010

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