Vigie, octobre 2011

 

 

 

LA TRAME

 

 

Automne, vieil été qui se grime.

Trois têtes d’ânes par-dessus le grillage nous regardent venir dans la lumière d’octobre.

Clément s’empare d’un cône de pin, d’un cerceau, d’une feuille, et part à la rencontre du monde.

Carillon. Chants d’insectes – Clément aussi fredonne.

Le chat Chadek joue les guépards.

J’ai déjà connu de semblables moments d’éternité éphémère – à Beauvoir, avec Léo.

Chadek se frotte contre Clément.

« Quelle chaleur ! »

Une tasse de thé ?

C’est encore l’été.

Tout cela semble bien décousu, n’est-ce pas ; où est la trame ?

La trame, c’était l’été. L’amitié des bêtes, de l’enfant et du monde. La beauté bariolée du monde, et tout ce qui se trame en elle.

Clément maintenant découvre l’écorce des bouleaux – cette blancheur qui se détache en longs filaments blancs, et dont il orne Patawa.

Un coup de vent fait pleuvoir des petites feuilles d’or, les arbres grincent un peu.

Les trilles de la mésange bleue résonnent – les mêmes qu’hier, qu’aujourd’hui, que demain (demain, quatre ans après, où je pianoterai ces notes dans l’appartement que mon père désormais habite seul, et qui est entouré d’arbres et d’oiseaux).

Sans les mots pour le dire tout cela disparait aussitôt, pas moins évanescent qu’un rêve (avec les mots ce n’est qu’à peine différent, mais ce très léger écho donne au présent un peu d’ampleur, quand même, plus de profondeur, comme quand on parle ou chante dans une église, comme quand on crie dans la montagne…).

Et l’appel de Clément – « papa ! » −, et ses babillages enthousiastes quand il caresse la chienne, un rêve aussi ?

Aussi.

L’ombre du tilleul est sur nous.

Chadek pose les pattes sur le carnet, qu’il griffe un peu avant de s’y frotter.

Clément regarde les drapeaux agités par le vent et clame : « apo ! apo ! apo ! » comme un oiseau, en agitant les bras.

Onça saute sur un criquet puis détale, poursuivie par Clément.

Tous ces petits riens forment une mosaïque naïve.

Et la roue de l’automne de tourner, et la trame sans drame, mais lâchement, de se défaire…

 

4 octobre 2011

 

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