Vigie, novembre 2009

 

 

 

L’HÔPITAL

 

 

« Mais qu’est-ce que je vais devenir ? » crie la voix de ma grand-mère au téléphone. D’abord elle ne m’a pas reconnu. Puis elle comprend et ajoute : « Je suis pire que ton grand-père ! »

 

*

 

Plus tard, à Montluçon. « Jamais je n’aurais pensé le voir un jour comme cela ! » s’exclame-t-elle sur l’estrade de ce mauvais théâtre qui n’abuse personne, peut-être pas même elle ; et de refuser ce qui se passe, et de s’accrocher à tous les détails qui se présentent à son esprit paniqué (« là-haut c’est la piste de l’hélicoptère… »), et de partir en d’interminables bavardages.

Cette vieille tête pleine de sang, cette vieille tête qui nous reconnaît encore, qui comprend tout, qui a peut-être même deviné que le parking juste devant les fenêtres est celui des services funéraires, qui comprend et qui trouve encore la force de nous remercier d’être venu, cette vieille tête sacrée pleine de souvenirs et de souffrance, il faut absolument qu’elle vienne la secouer, la bouger de son coussin pour remettre le drap en place : la maladresse de ma grand-mère lui ferait faire les pires âneries, il faut veiller au grain.

Pour nous tous tellement affolés par la mort, puissé-je éprouver une compassion sans limite…

 

29 novembre 2009

 

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