Vigie, décembre 2008

 

 

 

UN BEAU VOYAGE

 

Vigiedécembre2008fenêtre

 

Ciel gris, neige molle qui dégoutte, fragments de lumière blanche à l’horizon. Les bêtes dorment dans la tiédeur précaire du séjour.

Précaire. Depuis quelques jours, les choses semblent témoigner à notre égard d’une légère hostilité qui devrait inciter à la prudence.

D’abord, cela commence par le fil du téléphone que le poids de la neige arrache : à Maripasoula, un incident comparable fut le début d’une lente dégringolade… Nous voici sans messages ni appels pour un temps indéterminé.

Ensuite, plus gênant, la pompe à chaleur nous lâche avec fracas. On jongle avec les rendez-vous, un technicien vient qui, sans doute, cherche à nous arnaquer… Depuis, un grand feu brûle nuit et jour dans la cheminée. Une chaleur sèche envahit toute la maison, ensommeillant les bêtes et leurs maîtres. Même les mésanges qui s’agitent à la fenêtre ne troublent presque plus la sieste perpétuelle des chats.

Et puis, j’ai glissé hier en voiture à cause du brouillard, de la neige et d’une flaque d’eau ; j’ai pu redresser assez vite, mais frôlé l’accident…

Tout cela n’est pas grand-chose, mais prudence, prudence. Tous ces accidents évités de peu, tous ces petits riens qui cessent soudain de fonctionner, sont une discrète manière de nous rappeler à quel point on frôle constamment, et avec une coupable insouciance, la catastrophe.

Maintenant, toute tâche accomplie (ou peu s’en faut), j’attends l’arrivée de mon père et ma mère en scribouillant ces lignes dispensables devant le feu, un bol de thé sur la table et un œil sur les chats et les mésanges (l’épaisseur de la vitre sépare leurs deux mondes). Je constate que j’éprouve toujours autant de plaisir à admirer les mésanges, ici au Villard comme naguère à Lyon ou Chambéry. Pendant sept ans elles m’ont manqué. Je savoure, avec le thé, le soulagement qu’il y a à n’être plus là-bas mais ici, en Savoie, à pouvoir enfin ne plus rêver d’aucun « ailleurs » car ce lieu les contient tous.

Le toit recouvert de neige, les silhouettes dénudées des arbres, le dos rond de Prodin, l’échine sombre de Bramefarine, les crêtes électriques du Vercors au fond du paysage − et puis, retour aux mésanges : voilà, ça y est, j’ai fait mon plus beau voyage.

Le coucou sonne trois heures.

Silence.

L’enfant dort.

 

5 décembre 2008

 

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