Vigie, mai 2020

 

 

 

Rêve de voyage par temps de confinement

 

 

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Je suis à Berlin. Il a donc finalement eu lieu, ce voyage scolaire auquel je devais participer mais qui a été annulé par la faute du maudit virus…

Tous mes collègues sont là, ainsi que Léo et Clément dont je dois m’occuper, mais je ne vois curieusement aucun élève, et aucun Allemand non plus – ce que je trouve tout de même regrettable pour un voyage en Allemagne. Nous logeons tous dans de petits studios séparés, tous identifiés par un numéro, le long d’une ruelle qui semble un décor de cinéma. Je ne cesse d’égarer ma clé, j’ai bien du mal à retrouver ma chambre, et je regrette de devoir laisser les enfants seuls pour participer à des réunions de travail dont la nécessité et le but ne me semblent pas clairs.

À un certain moment j’arpente cette même ruelle en quête de la chambre où, en principe, les enfants m’attendent, quand je vois une spatule femelle poursuivie par une spatule mâle – la femelle est blanche et ressemble à une spatule, mais le mâle est une créature orangée qui ressemble plutôt à une sorte de chat. J’explique doctement aux collègues étonnés qu’il s’agit de la parade amoureuse de la spatule (mais oui, c’est un oiseau, bien reconnaissable à son bec en forme de spatule, quoique le mâle soit quant à lui dépourvu de bec et de plumes, ce qui est en effet étonnant pour un oiseau). À propos de chat, voici mon chat Musique, qui dans le rêve est encore chaton, et qui s’interpose dans la parade – s’en suit une scène confuse où la spatule mâle tente de s’accoupler avec le chat, puis les bêtes disparaissent tout au bout de la rue.

Je les suis et j’arrive à une place cernée de hauts immeubles de béton et de verre. Des musiciens défilent en portant des instruments anciens, dont certains sont de pure fantaisie onirique – mais je reconnais tout de même des flûtes baroques, ce qui provoque mon enthousiasme, et il y a aussi un accordéon. Les musiciens se mettent à jouer ce qui sonne comme une danse traditionnelle, et tous les passants forment une ronde et dansent ; mais je me rends compte que cette ronde n’est qu’un manège, une machine, qu’il n’y a personne sur cette place, et les musiciens eux-mêmes s’évanouissent. Je raconte cette scène à des collègues indifférents. Je pleure, parce que, dis-je, comprenez-vous, c’est tout un monde qui a disparu, il n’y a plus personne pour danser dans les rues et les buildings ont supplanté les vieilles maisons de la ville.

Le soir, cependant, est tombé. Je suis épuisé. Les yeux me brûlent, l’air est irrespirable. Je vois enfin les enfants qui jouent dehors, dans une sorte de terrain vague cerné par les immeubles. Je marche en compagnie de quelques collègues avec qui je n’arrive pas à discuter. Je constate une fois de plus qu’il ne m’est pas possible de m’intégrer à un groupe, et je regrette ce voyage qui était une erreur. Nous longeons de gigantesques cuves remplies d’un liquide noir, épais, qui est apparemment du pétrole, mais qui se met à blanchir, à geler, qui s’orne de fleurs de givre, de cristaux de glace ou de sucre. Le spectacle est très beau, mais chacun comprend qu’il s’agit d’une catastrophe industrielle majeure. L’air est vicié. Il faut que les enfants reviennent vite car rester ici est dangereux. L’un de mes collègues, sans crier gare, se met alors violemment en colère, menaçant de détruire la rambarde qui nous sépare des cuves : la Chine – car, manifestement, nous ne sommes plus à Berlin mais en Chine – a voulu cacher la réalité de la catastrophe en cours, que nous étions en fait chargés de démasquer sous couvert de ce voyage scolaire qui était une opération d’espionnage. Il en veut fort aux Chinois. Reste à résoudre une question épineuse : comment sortir de ce cauchemar ?

 

 

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