Vigie, juin 2022

 

La faim

 

 Vigiejuin22 faim

 

Jour de pluie, les limaces semblent reprises d’une fringale proportionnelle à la poussée des plantes.

Je disais l’autre jour que juin était pour moi le temps du reflux, mais il faut dire surtout que la vague, en dénudant la grève, offre un festin aux oiseaux, aux pêcheurs – tout comme juin. Voici les premières noisettes, les premières noix bonnes à croquer, les prunes et les pommes sûres, les grappes de groseilles, les girolles. Ce ne sont pas seulement les limaces qui dévorent, mais toute la faune qui, passé le 21 juin, semble déjà préparer les disettes à venir. Pour l’heure cela n’a rien de désespéré : c’est un gros goûter d’ogre, une faim nonchalante de grande gourmandise.

Un premier détour par le bois me permet de cueillir quelques poignées de girolles parfumées. Un aboiement agressif me surprend : quel chien se promène ainsi tout seul dans la forêt ? C’est un chevreuil qui défend son territoire, peut-être son faon. Plus loin deux chats détalent, paniqués par l’arrivée de Rimski.

Le brouillard envahit peu à peu la combe, rongeant les crêtes, avalant un à un les arbres. Tout s’assombrit. Appel redoublé d’un pic, bruit du torrent. Chant de pluie du pinson. Des camions ont déversé une grande masse de boue qui sent fort la vase, juste en-dessous de l’ancienne centrale : travaux toujours en cours, salut aux ouvriers.

Ici les balsamines (les impatiences) sont énormes et commencent à fleurir. On les arrache encore sans peine (j’ai décidé d’en enlever quelques-unes, symboliquement, à chacun de mes passages). De grasses limaces s’en repaissent. On a ouvert en grand l’écluse et l’eau du bassin s’écoule librement.

28/06/22

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

Ce contenu a été publié dans 2022. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.