Vigie, novembre 2022

 

Premier froid

 

 

La pluie froide tambourine sur mon chapeau avec un bruit de gouttière percée. Il fait trois degrés et l’on sent le souffle de la neige qui s’est arrêtée tout près. Il y a de l’affolement dans le cri des grives draine qui traversent en cliquetant le ciel gris, et un peu plus d’allant encore dans la façon qu’a Rimski de trottiner en tirant sur la longe, regardant à gauche, flairant à droite, comme éperonné par ce froid neuf qui lui donne envie de courir même en l’absence de chevreuil, car pour le Samoyède l’hiver est une bête à courser…

Pataugeant dans la boue du sentier, on fait l’inventaire des vestiges de l’automne : les colonnes blanchies des russules qui ont perdu la tête, les coprins décatis qui bavent un peu d’encre noire sur les feuilles en charpie dont les couleurs s’alignent peu à peu sur une même teinte marron terne, les natures mortes des pommes et des noix pourries. Le froid neutralise les odeurs, et l’on regarde les balsamines effondrées sans plus rien sentir. Malgré l’averse, je n’espère plus croiser le chemin de la salamandre, car ce sont les mâles qui partent en vadrouille en quête d’une partenaire et qu’il est trop tard à présent. On ne croise d’ailleurs aucune bête, pas même une limace, pas même un escargot.

Un escargot, en voici un pourtant, tout blanc, au milieu du sentier. C’est une coquille vide.

04/11/22

 

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