Vigie, août 2023

 

Déménagements

 

 

Cette nuit encore j’ai rêvé que je devais déménager en Guyane. Je me souviens d’une très grande baraque passablement délabrée et d’un jardin tropical. Je comprenais que je ne pourrais y emménager qu’à partir du 1er juillet, ce qui me laissait le temps de préparer mon déménagement ; puis je pensais à Rimski, qu’il faudrait mettre dans l’avion et qui allait devoir supporter un climat pour lui totalement insupportable. C’est cette pensée qui m’a fait comprendre que j’étais en train de rêver, parce qu’un tel voyage était impossible dans la vraie vie.

Ce rêve de déménagement est probablement lié à la découverte que j’ai faite hier, sur Internet, de ce que le chalet de La Giettaz était toujours en location. J’ai regardé longuement les photos sur l’écran, noté les quelques aménagements réalisés, puis j’ai envoyé un message au propriétaire pour demander à le louer quelques jours fin octobre. Le chalet sera peut-être dans la neige et j’y resterai bloqué avec Rimski, l’acheminement même des affaires risque d’être compliqué mais cela me permettra d’écrire l’ultime chapitre de Ma mémoire indienne. Songer que j’habite à une heure de route de là-bas me donne une folle envie de prendre la voiture pour y aller, même si je sais que ce que je cherche peut-être n’existe que dans le livre, et que l’émotion que je ressentirais à y retourner serait fugace, réservée à la première fois, qu’il s’agit donc de ne pas gâcher. Cette envie est néanmoins significative du désir que je ressens de m’extraire de mon lieu habituel où fatalement je suis trop souvent interrompu dans l’écriture, repris par des préoccupations matérielles secondaires, chaque plage de vrai travail toujours menacée par des distractions internes ou externes.

La promenade du matin avec Rimski n’est pas une distraction, elle fait partie du livre. Comme il est émouvant de retrouver les deux chevreuils couchés dans le pré sur les hauteurs de La Martinette, qui nous regardent passer sans même se lever ! Cette promenade fait transition entre les rêves de la nuit et ceux du jour que je visualise sur l’écran où j’écris. Elle m’oblige à rester en contact avec le sol, la forêt, les saisons, cet air frais et humide qui depuis le commencement du mois d’août n’est plus d’été mais d’automne. Elle me remet en tête des mots comme chevreuil, cascade, galet, ronces, fougères, balsamines. L’odeur des balsamines maintenant a pris possession de toute la partie des rives du Gelon en amont de la Passerelle – odeur trop capiteuse, florale et animale, fascinante mais écœurante qui, associée plus loin aux fragrances intermittentes des ronces, des orties, des fougères et du bois, s’atténue un peu et devient agréable.

05/08/23

 

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