Vigie, août 2023

 

Première répétition

 

 

À six heures du matin il fait déjà très chaud, ou plutôt encore car la température n’a pas beaucoup baissé cette nuit. C’est aujourd’hui le point culminant annoncé du dôme de chaleur qui a pris possession du pays. La semaine prochaine, on suppose qu’il tombera des hallebardes de glace. En attendant, on marche dans la forêt desséchée. Les chevreuils installés juste devant la maison d’Élodie affolent Rimski, cela au moins ne change pas. Quand on approche du Gelon, le souffle frais nous revigore pour la journée. La chaleur a fait mûrir les mûres, dont je me gave en passant. Là encore, le secret est de savoir puiser force et fraîcheur pour traverser les temps secs, et la chance est de pouvoir le faire.

La première séance de travail avec Fabrizio est conforme aux attentes, à l’intuition de départ. Dès les premières minutes, il est évident que cela fonctionne. La contrebasse de Fabrizio m’offre dans la lecture une liberté éclairante. Je peux laisser place à tout ce qui n’est pas dit, au silence entre les images, au paysage qui continue à défiler même quand je ne lis pas. Je peux ne pas aller jusqu’au bout d’un chapitre, choisir un fragment ou un autre en m’appuyant sur la musique pour déterminer une saison, une sensation. Ainsi se crée un nouveau livre, un nouvel itinéraire qui sera différent chaque fois puisque je ne prépare rien. Je peux même me permettre de changer le texte, d’inventer : comme je suis plein des images de ces trajets en train ce n’est pas difficile.

Malgré la canicule on s’affaire, le plus tôt possible. Élodie prépare son marché, ses parents travaillent aux mille et une finitions de la maison et l’on ira manger au restaurant pour fêter la fin des travaux. Nathalie, dont c’est aujourd’hui l’anniversaire, ayant renoncé à partir en vacances avec Éric et Rimski à cause de la chaleur, a fini de nettoyer tout le garage, toute la maison, un travail de Romain, pendant que j’écrivais la fin de mon livre.
Dans ma mémoire indienne est fini en effet, dans une première version que je vais devoir maintenant polir, resserrer, amender, compléter par quelques lectures complémentaires, un aller-retour sur place au Fardellet et un dernier séjour dans le chalet fin octobre. La tension de l’écriture n’est pourtant pas encore apaisée, elle ne le sera que lorsque le manuscrit sera envoyé, le livre transformé en objet. Elle se mêle à l’autre tension de la rentrée et à celle, bien plus vive, du départ de Léo. Une canicule dans le cœur !

 23/08/23

 

Ce contenu a été publié dans 2023. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.