SANS OBSTACLE
Pas un nuage, pas un obstacle. Le mouvement soudain si facile, les contours si nets. Toutes les fleurs de pissenlits du grand champ se tiennent fermées en petits cratères serrés tendus vers le ciel limpide (on s’attendrait presque à voir de fins filets de fumée en sortir).
Sans obstacle l’esprit s’éparpille peut-être plus encore. Il faut revenir, se recentrer sur l’essentiel, sur la route. Ces verts qui ne vont pas tarder à virer. Cette lumière qu’on nous annonce promise à une très brève durée (la pluie, le froid reviennent demain).
Tableau plus ou moins vivant des collégiens assis en silence à l’intérieur de l’abribus, la tête penchée sur leur téléphone portable, tous ailleurs. La scène a la luminosité d’un tableau de Hopper, d’un de ces tableaux où les personnages ne voient pas la lumière inouïe qui pourtant les inonde et les unit au monde comme entre eux.
Maintenant, les cerfs peuvent bien traverser : je ne les verrai pas tant les arbres sont feuillus.
Il y quelque chose de joyeux et de touchant dans la contemplation des toutes jeunes aiguilles des mélèzes ; je reste néanmoins déçu : le bosquet de mélèze que j’attendais est encore dans l’ombre à cette heure, ce qui ne permet pas d’admirer leur vert tendre. De vieux cerisiers hantent les jardins de vieilles demeures, certains jardins envahis par les hautes herbes, certaines demeures tout à fait décrépies ; ils ont dû faire le bonheur de générations d’enfants, aujourd’hui devenus vieux ou disparus.
La Croix de fer du carrefour, éclairée de côté par cette lumière tout à fait neuve, on en perçoit des détails qu’on n’avait jamais vus et elle ne semble plus en vieux fer rouillé mais en bois finement ouvragé.
Puis voici le bourg dans la lumière. Les habitants qui marchent ainsi dans la lumière ne semblent pas les mêmes qui, il y a peu, semblaient perdus et pliés sous le poids de l’hiver. Ils marchent droit, d’un pas alerte.
14 mai 2013