PREMIÈRE NEIGE
Défilé de nuages très noirs et de brouillard – les dernières feuilles orangées du cerisier défait par les bourrasques de la nuit battent dans la grisaille comme de petits voiliers en perdition. Après beaucoup d’hésitations l’averse de pluie s’est muée en averse de neige, ce crépitement neuf à la fenêtre du toit ; mais les flocons trop petits fondent sur la terre chaude, et cette première offensive de l’hiver ne laissera probablement guère de traces. Le carillon et les oiseaux, néanmoins, s’affolent.
Vingt-trois heures, on regarde sans y croire la neige qui tombe sur la neige, le jardin enseveli, le parasol, les jeux oubliés de l’automne ensevelis. On disait sans y croire que l’automne était si précaire, qu’une bourrasque ou une averse de neige trop précoce suffirait à en ternir l’éclat. On y est, cette nuit pourtant d’octobre où l’on regarde sans y croire la neige qui tombe sur la neige.
Plié, ployant sous le poids de la neige, le bouleau menace de casser ; on le secoue très légèrement pour ne pas abimer les branches fragilisées, ajoutant une averse de neige à l’averse de neige : il demeure à terre, mais réapparaissent les couleurs dorées des feuilles automnales, seules traces polychromes dans le noir et blanc du paysage hivernal.
L’hiver précoce
a jeté l’automne à terre
bouleau ployant sous la neige
Sous la neige lourde
comme les pièces d’un trésor enfoui
les feuilles d’automne
Lumière blanche
au tableau de la fenêtre
qui nous éblouit.
27 octobre 2012