Vigie, mars 2009

 

 

 

À L’ABADE

 

Le soleil disparaît à l’instant derrière le Pic de l’Huile. Lueurs orangées encore entre les troncs nus des bouleaux. L’air reste doux, la neige a molli. Agrippé à la laisse je suis la chienne qui piste un chevreuil. D’arbre en arbre on retrouve les traces qu’il a laissées, touffes de poils, excréments en forme d’olives noires, troncs écorcés. Finalement je m’assois au pied de ces jeunes hêtres dans la mousse humide et sans neige. Cette odeur d’humus évoque aussitôt la cueillette des champignons. L’automne a été court et bien long hiver.

Clameur des oiseaux et rumeurs du Gelon en contrebas. À travers les branches nues, le dôme enneigé du Grand Chat.

Il est bon de sortir un instant de la vie ordinaire, aussi agréable soit-elle, et de faire ainsi quelques pas de côté. On reste là à écouter les rumeurs. On se murmure que si le monde assez protégé qu’on a connu jusqu’à présent s’effondre pour de bon, crise écologique et récession mondiale mêlées, on pourra toujours venir ici chasser, cueillir, ramasser du bois. Pour un peu, en cette heure et en ce lieu, cette perspective terrifiante paraîtrait presque banale.

 

*

 

Jour du premier rougequeue. Léo me rejoint, qui s’exclame : « C’est bon d’être dehors ! » Avons écouté ensemble les abeilles bourdonner, sommes allés caresser les ânes (et de cela, de ce moment-là je me souviens très bien), jeter les glaçons dans le bassin et la mare, nettoyer le jardin. Au retour, épuisé, il s’est laissé porter et s’est presque endormi sur mon épaule. Des moments doux.

Bien sûr il y aura des rechutes, sans doute jusqu’en avril. Il n’empêche : c’est maintenant le printemps. Soleil éclatant. Toutes ces pâquerettes écloses devant la terrasse, elles n’étaient pas encore là ce matin. La neige qui nous cernait encore au lever lorsque je transportais les tas de bois jusque sous le grand pin, a largement fondu. Pour la première fois depuis presque cinq mois je peux traverser le jardin sans marcher dans la neige. Il est cinq heures du soir et j’écris assis à la terrasse, habillé d’un simple sous-pull, en compagnie des chats, de la chienne, d’une troupe de verdiers et de pinsons du nord.

 

*

 

Réfugié sous les combles où il fait vingt degrés sans chauffage, je poursuis l’aventure de Maripasoula (les chiens, les coqs, les nuits si terribles…). La nuit est tombée, je n’ai pas vu le temps filer.

 

13 et 18 mars 2009

 

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