PERDU
Pluie et vent
le chat perdu
doit avoir bien peur.
Les lilas se fanent
seul le vent
fait claquer la chatière.
Sur la terrasse froide
nul félin ne se réchauffe
le fauteuil aussi est vide.
*
Un grand vent tiède balaie les arbres, plie les bouleaux, fait trembler la vallée. Les vitres vibrent. Parfois cela devient effrayant : un craquement, et voici le poirier, le grand épicéa, le frêle bouleau à terre…
Le vent a emporté jusqu’à la photo du chat affiché à l’entrée du village avec la mention : perdu.
Au soir tombant je regagne mon poste de la mezzanine, face aux collines de la Provenchère en direction du chef-lieu de La Table. Le vent souffle toujours, ébouriffant les arbres fruitiers, chassant les nuages. Vaste pan de ciel bleu très pâle, qu’un avion doré traverse. L’appel d’un merle. Le souffle des bourrasques. Cela va faire trois mois que nous sommes installés au Villard de la Table. Nous y aurons laissé sans doute le chat Chadek : la présence de la Guyane s’estompe, décidément. Peut-être est-il quelque part dans la forêt, pas encore dévoré (cela ne saurait tarder). Je le revois prostré sous l’averse tropicale, au moment de sa longue maladie (et j’avais dû le perfuser des semaines durant et avais réussi à le maintenir en vie en lui faisant avaler de force une sorte de bouillis gluante). Les chats ont sept vies ; comment a-t-il pu les brûler si vite ?
Je voulais écrire un peu, retrouver le fil des souvenirs de Guyane pendant qu’il en est temps — mais je reste à regarder la ligne des collines de plus en plus sombres à mesure que la nuit tombe, comme paralysé. L’enfant dort juste à côté, il ne faut pas faire de bruit. Les lampadaires du village se sont allumés. Le vent s’apaise un peu.
Finalement, c’est mieux de se taire.
Le drame, aujourd’hui : le chat perdu ; l’escargot nu se tordant sur le sol, la coquille écrasée par mon pied meurtrier ; le sang qui perlait à la bouche du lézard attrapé par la chatte ; la branche arrachée du petit prunier.
La beauté, aujourd’hui : le vent mugissant dans la vallée, dans la montagne, et cette pluie de fleurs et de feuilles ; le silence, ce soir, quand l’électricité saute et que tout s’arrête.
Finalement, se taire.
25 et 26 mai 2008