Vigie, mai 2008

 

 

 

AUPRÈS DE L’ENFANT (1)

 

 

 

Auprès de mon arbre, je vivais heureux…

Brassens

 

 

Les fleurs blanches du poirier ne sont déjà plus qu’un souvenir. Jours de pluie et de longs nuages. Les couleurs, les lumières sont superbes. Soudain la maison semble cernée par les ombres. Le brouillard retombe. Le cœur palpite un peu, repris par l’inquiétude habituelle. Le temps tracasse. L’enfant est couché, maintenant. La musique s’arrête.

 

*

 

Fin d’après-midi pluvieuse : ciel gris, feuillages très verts. Je retrouve la table de la mezzanine, les toits de la grange, du hangar, du village, le lampadaire éteint. Une cheminée fume encore, qui ajoute encore un peu de gris au ciel.

L’enfant ronchonne pour avoir son « coucou », et la tétine en caoutchouc que je lui refuse « parce qu’il est grand maintenant », puis veut de la musique (une main décidée m’arrache de ma chaise et me mène à la petite chaîne hi-fi), puis son livre préféré évidemment coincé derrière le radiateur. Long et périlleux sauvetage entrecoupé de pleurs, puis le livre apparaît et l’enfant s’en saisit avec fébrilité. Confortablement installé sur le canapé, il contemple maintenant les pages en poussant des cris de satisfaction devant ses images préférées : tracteur, cheval, camions, « nounou »…

Cela n’a l’air de rien mais on ne saurait rêver mieux. C’est peut-être trop tranquille, trop infime, trop intime, trop domestique pour être dit. Cela passera à l’as comme le reste. On risque la stagnation, certes. Mais même le long des côtes de tel pays où plus rien ne tremble s’accumulent les limons qui l’ébranleront un jour (un jour la Guyane a tremblé). Ce qui suffit. Il faut rester vigilant, attentif aux tremblements (voici le bus scolaire qui emportera l’enfant dans quelque temps). 

L’enfant proteste vivement contre le carnet, le stylo et ce père trop distant. Il m’entraîne et veut que je danse avec lui sur « Donde estas, Yolanda », l’espagnolade qu’interprète Pink Martini (lui tourne comme une toupie jusqu’à tomber à la renverse). On tourne, on y retourne…

 

18 et 20 mai 2008

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