NUIT FROIDE
Nuit froide et trempée de brouillard et de bruits d’eau – on sent que quelque chose fuit quelque part. Le chien d’en-haut aboie interminablement. À l’intérieur de la maison si vide à cause de l’absence de Nathalie et Léo, il ne fait pas plus de quinze degrés. Les silhouettes sombres des arbres et des toits se détachent encore sur ce fond de brouillard bleuté, mais on n’y verra bientôt plus goutte.
*
Cette nuit de juin
sans lune sans lueurs
plus froide qu’octobre.
Même le chien se tait
l’horloge des gouttes d’eau
prend le relais.
S’agitant dans son sommeil
est-ce que la chienne se soucie
de l’averse froide ?
Les phares d’une voiture
creusent soudain la vallée
aux flancs assombris.
Que dire de ces lilas
fanés, défaits, humiliés
livides ?
Averse nocturne
au-dedans la solitude
semble délectable.
Averse nocturne
mon reflet la chienne et moi
en soupirons d’aise.
*
Je travaille aux premières pages de L’éloignement, ce qui accroît la sensation d’étrangeté qu’il y a à être assis là en cette nuit si étonnamment froide, et me procure une sorte de quiétude sans insouciance. Avec beaucoup de temps, de patience, de persévérance, je me dis que ce pourrait être un grand texte.
« Tant de choses à vous dire, tant de choses vraiment, et qu’il ne peut suffire de garder au-dedans ! »
Pour l’heure il pleut encore et toujours. On ne voit absolument plus rien. Il est temps d’aller dormir, d’aller rêver de cette nuit, de ce village, de cette montagne et de ce texte en gestation.
5 juin 2008