Vigie, novembre 2008

 

 

 

ART POÉTIQUE

 

Pour raconter une histoire avec pudeur et sans pathos, mieux vaut éviter de s’attarder sur l’événement. Peu importe l’événement. Il faut pianoter autour, comme dans le cinéma d’Ozu, de Gérard Blain ou de tous les réalisateurs qui savent que le cinéma est un art de l’image sans rapport avec le théâtre. Il faut choisir quelques images fixes un peu avant et un peu après l’événement, jouer sur les ellipses, les non-dits, les litotes. Suggérer plutôt que dire, montrer avec chaleur et retenue. Prendre l’anecdote comme point de départ, d’accord, mais la raboter comme un sculpteur jusqu’à n’en laisser que l’essentiel (un peu plus, un peu moins). Raconter par petites touches, contourner les moments attendus. Les modèles qui me viennent en tête sont, outre Gérard Blain et Ozu, Satyajit Ray, Kim Ki Duk dans ses meilleurs films, ou bien, en littérature, Kawabata, Bashô, Abraham.

Ce qui compte : la pudeur surtout, la retenue, l’intériorisation et la généralisation qui permettent de dépasser le piège de l’anecdote ; un rapport vibrant aux choses, une conscience vive de l’éphémère et de la bonté ; et, par-dessus tout, l’amour de l’art qui donne sens et sève à la vie.

 

9 novembre 2008

 

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