Route, mai 2016

 

 

 

CERTAINS MATINS…

 

Routemai2016orage

 

Certains matins d’après l’orage, d’après les nuits interminables où l’on s’est enlisé dans des rêves dont la seule évocation fait revenir les larmes, certains matins de mai où l’on n’avait pas à être là, où l’on se trouve comme embarqué à l’improviste dans un autre rêve lumineux mais troublé de buée, certains matins le monde à nouveau nous apparaît dans toute sa nudité, sa crudité, sa fraîcheur, comme le buste offert au regard seulement d’une jeune fille au sortir du bain, non pas glacé, hautain, distant mais picturalement présent, tous les détails perçus avec une netteté presque surnaturelle, les herbes penchées, l’ombre bleue de la voiture sur la chaussée grise, les volets rouges qui brillent au carrefour, les roses accrochées au grillage, la neige fraîche sur les crêtes, les glycines mauves, les feuillages de plus en plus étouffants, la route enfin comme une mélodie apprivoisée qu’on peut jouer sans effort, sans y penser, en se laissant aller à la succession des notes, la route avec ses damiers, ses codes, ses messages enfin déchiffrés, sa liberté et ses contraintes, la route vaporeuse, fumante, avec ses tableaux champêtres de chevaux couchés dans les champs, de vaches en apesanteur ou de clocher illuminé sur fond de ciel bleu pâle, ses camions, ses jeunes piétons qui traînent les pieds pour aller à l’école, ce vieil homme aussi qui marche avec un biberon plein à la main, et la brume en fond de combe, et les hautes herbes encore qui dansent au passage du camion, qui semblent en folie et qui disent en dodelinant de la tête : « oui, oui, oui ».

20 mai 2016

 

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