Route, mai 2016

 

 

 

TU NE VOIS PAS

 

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Les lilas tombent sur le chemin, et je voudrais que tu ne vois pas trop cela : les tâches marron qui les rongent.

 

Aux jardins la pluie tombe sur les jouets oubliés des enfants, et je voudrais que tu vois cela : la pluie qui tombe sur les jouets.

 

Sans se soucier des passants rares et pressés, la vieille dame aux cheveux gris sort en pantoufles et robe de chambre sur le pas de sa porte, pour remettre en place les géraniums rouges posés sur le chambranle – et je voudrais que tu vois cela : le rouge des géraniums dans les mains de la vieille femme.

 

Tête nue sous la pluie le jeune gars pique sa fourche dans le tas de fumier posé devant la grange, et je voudrais que tu sentes cela : l’odeur du fumier sous la pluie.

 

En passant on pourrait croire que c’est le vent qui couche ainsi les herbes. Ce n’est bien sûr que la longue averse, mais je voudrais que tu vois cela : les hautes herbes comme pliées par la tempête.

 

Les gouttes d’eau sur le pare-brise comme des feuilles translucides captent et diffusent la lumière, et je voudrais que tu vois cela : toute la lumière ainsi multipliée.

 

À la fin mai les frênes refleurissent au fond de la combe, et je voudrais que tu puisses voir cela : la route pavoisée à nouveau de pétales.

 

Passé le pont du Bens on entre dans la forêt brumeuse, et je voudrais que tu traverses avec moi ces souvenirs de la forêt brumeuse.

 

Tu ne vois pas, tu ne vois plus ; je regarde pour toi et t’aide comme je peux par le truchement des mots.

 

29 mai 2016

 

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