Vigie, décembre 2018

 

 

 

Décembre à terre

 

 Vigiedécembre201805

 

C’est un mois de décembre bien sombre à présent, bien doux et bien dur comme chaque fois, chaque fois plus doux et plus dur. On retrouve ce temps des engelures qui exaltait tant jadis, et les prés blancs, le pare-brise orné de fougères de givre qu’on racle avec regret, les cris des corbeaux. Au dehors les colères pré-révolutionnaires s’exaspèrent dans la confusion et la peur. Autour d’un braséro on réclame moins de taxes, plus d’argent, moins d’aides aux migrants, ou le « Frexit », ou la révolution, ou un week-end en amoureux. Parfois les voitures qui n’arborent pas la couleur de leurs rêves se font huer.

La montagne cependant blanchit, les fumées des usines et des cheminées montent vers le ciel de plus en plus opaque et les vaches broutent l’herbe froide. Au-dedans tout oscille entre deux craintes, deux espoirs. La parole circule moins bien, sur laquelle s’est refermée la gangue peut-être protectrice d’un tunnel hivernal. S’il n’y avait ces lueurs des bouleaux blancs abattus en lisière, les lampes qu’on allume, les rires encore, les présents et surtout la musique pour laquelle on garde la foi du charbonnier (et c’est bien la seule croyance encore raisonnable, encore admissible aujourd’hui) − s’il n’y avait la musique, vraiment, de décembre on ne se relèverait pas. 

 

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