Un serpent amical
Dans la nuit je fais ce rêve, aussi pesant que la neige d’avril, d’un serpent amical. Je veux le retenir, et tente de le faire en écrivant à la hâte quelques lignes, dont voici des extraits.
N., plus qu’amicale, risque à mon égard un geste tendre auquel je ne réponds pas car je sais qu’il ne faut pas. Je lui montre le serpent que j’ai recueilli, un cobra, un boa, je ne sais pas, un assez beau serpent bicolore dont la morsure, dis-je, est mortelle. J’en ai peur et le manipule avec soin, mais le serpent m’échappe et commence à m’enserrer comme le font les boas ; puis, contre toute attente, il me donne, comme le ferait un chat, un coup de sa grosse tête triangulaire, et je n’en reviens pas car je sais qu’on n’apprivoise pas un serpent.
C’est le soir et, à table, nous mangeons avec mon successeur. C’est la première fois et je suis un peu tendu. Je tente de faire bonne figure, car qui suis-je dans ce monde déjà si tranchant pour ne pas souhaiter raboter quelques angles, et faire plaisir à ceux-là que j’aime et même, à tous ceux à qui je peux faire plaisir ? Nous sommes à table, et le serpent reste lové sous ma chaise comme un chat domestique. Je raconte que j’ai toujours aimé les serpents.