Vigie, avril 2021

 

 

 

La cueillette des morilles (1)

 

 

Vigieavril202108

  

 

Hier Nathalie et Laurence ont trouvé des morilles. Une belle grappes de belles morilles blondes, une belle cueillette, vraiment, faite par hasard à l’endroit même où je cherchais tantôt en me disant que si j’étais moi-même morille, j’y pousserais volontiers…

 

Aujourd’hui il pleut. C’est une douce pluie de printemps qui lave la poussière, fait ressortir les odeurs, les jeunes pousses et les escargots, et donne plus envie encore de repartir fouiller les berges.

 

Je pars d’un bon pas, sans guère laisser à Rimski le temps de renifler, et nous dévalons en zigzagant le chemin boueux qui mène à la rivière. Ce n’est pas seulement la perspective de ramasser des morilles qui me fait courir, même si je les adore ; ce que je cherche, ce que je trouve sitôt parvenu dans ces fourrés recouverts d’ail des ours sur lesquels je me penche avec une telle attention que Rimski, par jalousie, se met à aboyer, c’est une certaine qualité de présence à laquelle je n’accède pas sans ce genre de prétexte.

 

Lorsque je me promène pour rien, parce qu’il faut sortir le chien ou bien pour prendre l’air, je ne vois souvent pas grand-chose. Je reste là-haut, à environ 1,70 mètres du sol, rapidement repris par toutes sortes de songeries secondaires. Si je m’arrête, si je m’embusque, si j’écris, c’est déjà beaucoup mieux. Mais si je cherche des champignons, c’est encore une toute autre histoire. Mon regard vague à la fois s’élargit et s’aiguise, comme si je devenais capable de voir l’ensemble (des masses de formes floues oscillant entre le marron et le vert dont le miroitement donne le tournis) et le détail (cette limace d’un joli noir luisant, cet escargot jaune vif, ce petit caillou dont la blondeur a failli me tromper…). Je suis bien obligé de me pencher, et je retrouve alors des sensations remontées de ce temps de l’enfance où j’étais à la bonne hauteur pour cueillir les champignons… Le plaisir que j’éprouve alors est si vif que je ne ressens même pas le besoin de le fixer par un texte (je n’écris qu’après coup, en guise de prolongement – sur le moment ç’aurait été une perte de temps).

 

Ainsi je dévale au fond du ravin, je remonte le long du ruisseau, je m’égare en suivant un layon épuisant puis une piste le long de laquelle l’exploitation forestière a ruiné le sous-bois. Après deux heures d’une progression souvent pénible je ramasse enfin un bois de cerf (que Rimski veut me voler) et un fémur (que je lui donne). Je rentre sous la pluie, bredouille et ravi.

 

 

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