Vigie, janvier 2022

 

Rêves de janvier

 

Vigiejanvier22 07

 

Parfois la peur de l’avenir remonte du passé. Je suis en Guyane, à La Chaumière, et je parle à ma mère. Je sais que mes parents vont rentrer en métropole et je m’en inquiète. Nous allons tous rentrer, l’échéance est très proche. Je lui demande si elle va trouver du travail et elle se fâche presque parce que je m’imaginais que ce serait facile, qu’il lui suffirait de demander sa mutation pour avoir un poste dans l’administration d’un établissement scolaire alors qu’en fait, ses possibilités d’emploi sont limitées. C’est un peu pareil pour mon père, et je comprends qu’il me faudra me passer de leur aide. Je lui demande avec candeur si elle pense qu’avec mon salaire de professeur je pourrai me payer le logement. Je me désespère de devoir me contenter d’un petit appartement en ville au lieu d’une maison et je répète en sanglotant que « je n’aime pas la ville ». Puis je m’avise qu’il faudra aussi subvenir aux besoins de Léo et Clément, payer leurs études. Ce qui, cette fois, me désespère, c’est que je ne pourrai pas payer les cours de musique aux enfants. La peur de l’avenir m’étreint. Moi aussi il faut que je rentre, que je demande ma mutation. Je regarde la carte des postes disponibles, dans l’espoir de pouvoir revenir à Allevard, car soudain je me rappelle que j’ai déjà enseigné là-bas. Puis me revient en mémoire la maison du Villard et je comprends avec un immense soulagement (mais sans me réveiller) que tout cela n’était qu’un cauchemar.

D’autres images du rêve me reviennent. J’habite un village en Amérique du Sud, un peu plus urbanisé que Maripasoula. La devanture de la maison que j’occupe en bord de route, au cœur du bourg, ressemble à la façade d’un cinéma, sur laquelle sont placardées d’immenses affiches de films anciens avec Higelin (ainsi que l’affiche de Thiéfaine au Zénith que j’avais naguère dans ma chambre de lycéen). Je me dis avec amusement qu’un quidam européen passant par-là pourrait croire qu’Higelin passe en concert ici même, qu’il est encore en vie. Clément et d’autres enfants me font alors jouer à un jeu étrange. Je dois me mettre sur le dos, fermer les yeux et imaginer ce qu’ils me disent, mais je crois que je m’endors… Je dois aussi faire de nombreux allers et retours avec un vélo dont les freins ne fonctionnent plus, pour me rendre à Allevard puis à Pontcharra sur des pistes défoncées qui longent des canaux rappelant le Pantanal. Je ramène mon vélo chez le réparateur et proteste poliment : vous savez, les freins ne fonctionnent toujours pas !

Ainsi se mêlent les époques et les préoccupations, les petites et grandes peurs au sein desquelles émergent encore et toujours ce qui rassure, ce qui inquiète…

 

22/01

 

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