Vigie, novembre 2023

 

Dernier rêve de novembre

 

 

La neige annoncée, espérée, redoutée, n’est pas venue, pas encore, ce mois novembre restera jusqu’au dernier jour un mois de pluies quasiment continuelles. Le chemin féérique d’hier n’est plus que boue et flaques, automne éteint, épuisé, épuisant. Le ciel de plomb se fissure cependant de rainures blanches qui bientôt s’écartent en trouées franchement bleues, et l’on se dit qu’il fera peut-être beau. La boue colle aux bottes, les pensées cotonneuses peinent à se déployer dans cet air lourd et on laisse passer des images de troncs coupés saupoudrés encore de neige sans réagir.

Parvenu à l’endroit où une coulée de boue recouvre le chemin me revient en mémoire un rêve fait cette nuit où je voyais, depuis les fenêtres d’un grand appartement inconnu qui donnait sur un lac, un gigantesque éboulement emporter la montagne. C’était d’abord, comme sur le mont Granier, des pans de falaise qui tombaient en faisant beaucoup de poussière, puis on entendait un vacarme effrayant et l’on voyait comme une vague de vent soulever les crêtes. Tout se mettait à trembler, à tomber, des blocs de roche noire dévalaient la pente jusque dans l’eau du lac, puis c’était des milliers de petits blocs de pierre pareils à des nuées d’oiseaux qui partaient presque à l’horizontale et fracassaient les façades des immeubles. Je m’écartais des vitres, m’attendant à les voir voler en éclats. C’était un rêve effrayant.

Ici, rien d’aussi spectaculaire, seulement le fracas du torrent, le chemin boueux, les deux chiens plus très blancs qui me tirent et le jour qui se lève dans l’eau fuyante des flaques. À la maison la pompe qui permet d’éviter l’inondation du sous-sol fonctionne continûment. On se réjouit d’avoir traversé ce mois sans vivre soi-même l’une de ces grandes catastrophes qu’on voit sur les écrans…

28/11/23

 

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