Vigie, janvier 2024

 

Jour de bruine

 

 

Une fois de plus l’hiver, cet hiver, finit dans un grand flou de brouillard et de neige qui fond, qui a déjà fondu, laissant de nouveau sous la botte un sol souple et sûr. Une corneille criaille dans la brume. Passe une camionnette noire sur la route au-dessus du grand champ troué de blanc et de gris, mais qui reverdit.

À cette minutes, l’œil du cyclone est sur l’île.

À cette minute des enfants tremblent dans les caves de Kiev, d’Odessa ou de Gaza City.

À cette minute la jeune femme rayonnante ne sait pas qu’elle n’a plus que treize jours à vivre.

Ici il n’y a pas de drame, juste la bruine qui crépite sur les vieilles feuilles du dernier automne et les toits du hameau désert où pas une lampe n’est allumée, où il n’y a personne aux fenêtres, juste un très léger trait gris-bleu qui tremblote verticalement au-dessus des maisons habitées. On se laisse aller en descente, puis on retrouve la dynamique de l’attelage en montée, les dentelles noires des branches nues dans le ciel gris, l’impatience des torrents, le héron gris au vol étrangement silencieux, et tout cela s’achève dans une petite averse de neige fondue sonore et molle.

(C’est en toute fin de balade, après avoir fait trente-quatre fois le tour sur lui-même mordillé par Nouchka qui ne comprend pas l’importance du moment, que le miracle se produit : Rimski orne le bas-côté d’un cairn parfumé qui lui a d’évidence demandé des trésors de patience…)

14/01/24

 

Ce contenu a été publié dans 2024. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.