Route, octobre 2013

 

 

 

NOVEMBRE EN OCTOBRE

 

 

Maintenant on s’enfonce dans la nuit. Le lampadaire de la petite place ressemble à une soucoupe volante. On voit encore les sommets enneigés sur fond de ciel gris blanc. Bientôt on ne verra rien ; les lumières éclairées au fond des cuisines en passant ; l’affolement des bêtes dans la lueur des phares ; l’arrière d’un camion borgne. 

La maison d’été du vieux couple de Repidon est fermée ; est-ce qu’ils seront encore là au prochain printemps ? 

Les guêpes viennent mourir contre les fenêtres. Il pleut sans discontinu depuis trois jours. Ce n’est pas qu’il fasse froid, non, mais on est quand même pris par un frisson.

Guetteur, qu’est-ce que tu guettes ? Des menaces, encore et toujours. Des mouvements. Des lignes, des signes, des tracés.

Vigie, qu’est-ce que tu vois ? La procession des brumes à mi-pente le long de la montagne. La vitre criblée de pluie. Le plateau du Granier tout souligné de neige, au bout duquel on a dressé un cairn de brouillard.

Guetteur, qu’est-ce que tu annonces ? Aucune bonne ou mauvaise nouvelle. Par l’avènement d’un Nouveau Monde. Pas même la fin de l’ancien. Juste ceci : aujourd’hui la vallée est noyée de brouillard et de pluie et il fait un peu froid. Si on descend davantage on ne voit plus rien ; d’ici on voit au moins que bientôt on ne verra plus rien.

Les gyrophares bleus de l’ambulance et des pompiers percent ce brouillard. Qu’est-ce qui s’est passé ? Quel drame ? Allez, pousse un peu le chauffage : décidément, tu as froid.

 

14 octobre 2013

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