Vigie, décembre 2013

 

 

 

DEUX RÊVES

 

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Je roule tant bien que mal sur une piste caillouteuse, que j’abandonne bientôt pour un exercice de haute voltige en hélicoptère. Je survole en effet une vallée encaissée entièrement recouverte par des installations industrielles et d’où montent de vertes radiations. Un écran invisible m’interdit toute approche, mais je trouve une faille par laquelle je me glisse. Je rampe alors le long de boyaux humides, puis débouche sur une assez vaste cavité manifestement aménagée. Une sorte de secte bouddhique s’est réfugiée là — encens et propos sirupeux à gogo. Il y a même une bibliothèque avec une petite scène et des gradins. J’assiste alors à un calamiteux récital de Catherine Ribeiro, qui se perd dans des commentaires ironiques et déplacés sur la « chanson engagée ».

Voici, plus tard et plus loin, un jardin de pierres qu’il me faut traverser. Fabrice Midal traverse aussi, qui vient vers moi depuis l’autre côté du jardin. Il s’étonne de ma présence : « Comment as-tu fait pour franchir toutes les épreuves ? Quand je pense au mal que j’ai eu ! » Je n’ose dire que j’ai un peu triché en passant par les grottes. Nous devons, pour nous rejoindre, marcher sur de gros cailloux qui émergent du sable, mais nous trébuchons au même moment et nous retenons l’un l’autre en apposant nos mains. Le rêve s’achève par cette phrase sibillyne prononcée par le Fabrice Midal de mon rêve : « Nos déséquilibres s’équilibrent ! »

 

*

 

Cette fois, je marche sur une ligne de crêtes très fine, très belle, mais aussi vertigineuse et glissante. Plusieurs fois je manque tomber. Je parviens à une falaise ornée de pétroglyphes superbes représentant des punaises emboîtées. Un gros chat roux traverse le chemin. Je l’appelle et le caresse. Il saigne. Je suis entré dans le royaume des morts. C’est un chemin de retour qui descend amplement vers la vallée. Tout le paysage est nimbé d’une sorte de brume ocre très lumineuse, et mon ombre démesurée est ainsi projetée à la fois au sol et au ciel. Je redescends en compagnie d’autres randonneurs par les larges courbes de ce chemin magnifique. Un homme se met à chanter, que je reconnais aussitôt : Claude Nougaro, seul et sans micro, emplit tout l’espace de sa voix. Je reconnais cette chanson de l’album Bleu, blanc, blues intitulée « Réunion ». « Chaque jour loin de toi le jour se lève à peine… » Arrivé presque en bas je vais vers lui et le remercie chaleureusement.

 

(Deux ans plus tard, je constate que ces traces griffonnées à la hâte au lever m’ont permis de conserver vivace le souvenir de ces deux rêves, auquel il faudrait ajouter un autre, fait cette nuit, où je rencontrais ma grand-mère dans un paysage de haute montagne tout à fait vertigineux…)

 

27 décembre 2013

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

 

 

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